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Politiser ou démocratiser le travail social ?

Politique Travail social

01 Mai 2020

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Pions vus du dessus et tentant de s'organiser

Episode 14 du podcast radio Sons Rouges et Noirs :

Le sens de nos engagements dans le social est mis à mal, et l’appel à la notion de « politique », loin de faire consensus, peut être contre-productif. Ne s’agirait-il pas de reprendre les choses « à la racine« , c’est-à-dire de fonder une éthique radicale au service de la démocratisation de nos métiers et de notre société ?

Durée : 20 mn

Extraits musicaux : S Society (BeatstarsYoutube, et Facebook)

Version audio disponible sur Bandcamp

Version écrite disponible au format PDF

Bonjour à toutes et à tous et  bienvenue dans ce 14ème épisode des Sons Rouges et Noirs. Un épisode de lutte à l’occasion du 1er mai, puisqu’aujourd’hui, il va être question de politisation du travail social, de démocratisation et donc de militantisme et d’engagement dans nos secteurs professionnels, du comment et du pourquoi employer ces différents concepts.

« Mensonges », « amateurisme », « médiocrité », « non-assistance à personne en danger », « homicides involontaires », « mensonges d’État », depuis mars, les accusations se multiplient à l’encontre des ministres pour dénoncer la gestion étatique calamiteuse de l’épidémie de Covid-19. Tout comme pour l’hôpital et la santé, la crise sanitaire actuelle met en difficulté profonde les secteurs du social et de la solidarité : dans des EHPAD et des institutions du champ du handicap, les collègues en sont réduits à regarder les résidents mourir, la protection de l’enfance est « au bord de l’implosion », beaucoup de collègues n’ont pas le matériel nécessaire pour continuer le travail de relation et de prévention auprès des publics, les autorités doivent faire appel à des volontaires et à des étudiants pour freiner l’hécatombe. Mais cette catastrophe est-elle uniquement la responsabilité de quelques ministres actuels ?

Il me semble que ces dysfonctionnements s’inscrivent dans une longue trame de choix politiques et économiques qui se déploie depuis plusieurs décennies. Nombreux sont celles et ceux qui ont dénoncé les politiques d’austérité qui ravagent l’hôpital et le social depuis au moins 1983 et le tournant de la « rigueur », et qui entrainent progressivement un véritable processus d’industrialisation, comme le fait observer le neurochirurgien au C.H.U de Tours Stéphane Velut, ou moi-même dans d’autres travaux : nos métiers du soin et du social tendent à devenir du travail à la chaîne, en flux tendu, soumis aux pressions gestionnaires et marchandes.

Tel est le nœud du problème selon moi : nous sommes poussés à devenir des agents de maintenance de l’humain, de simples ouvriers et ouvrières, et les mesures qui favorisent cette évolution sont imposées sans jamais nous demander notre avis : nous sommes formés, formatés, habitués à n’avoir aucune responsabilité ni aucun pouvoir dans les prises de décision, et à devoir nous en remettre aux appareils d’État. La crise sanitaire actuelle braque les projecteurs sur ce recul des principes démocratiques dans l’action des appareils d’État et dans le fonctionnement des institutions[1]. L’idée que l’État et la démocratie réelle vont de pair me semble donc périmée et tel est le souci majeur. En tant que structure pyramidale de concentration du pouvoir, les appareils d’État, et leurs responsables, peuvent même franchement mettre en déroute les principes démocratiques fondamentaux, on s’en est bien aperçu avec l’utilisation répétée de l’article 49-3 de la Constitution, avec les réformes et directives imposées de façon unilatérale dans différents secteurs, et avec la seule réponse qui a finalement été apportée aux mécontentements populaires, à savoir un déferlement de violences policières et d’éborgnements dans les quartiers populaires et les manifestations, y compris contre des journalistes, des pompiers, des soignants.  

Le souci pour moi est donc qu’un système pyramidal concentrant les décisions dans les mains de quelques personnes exerçant leur pouvoir en « cascade »[2] est nécessairement et intrinsèquement perméable aux intérêts privés de ces personnes, aux enjeux privés de carrière, de revenus, de positions… Peu importe les gens à qui on confie le job, même vous, même moi, trop rares sont celles et ceux qui seront uniquement animés par le dévouement et l’amour des affaires publiques ! La concentration des pouvoirs et des revenus entre les mains de quelques responsables revient à encadrer par des intérêts privés les instruments de l’intérêt général que sont censés incarner les services publics et les appareils d’État, et cela va à l’encontre des principes démocratiques les plus élémentaires.

Ce sont les « petits » fonctionnaires qui font les services publics, à l’hôpital, à l’école, dans les administrations, les services sociaux et éducatifs, les universités, les casernes de pompiers… Leur travail compte au moins autant que celui des hauts responsables politiques. Pour moi la crise sanitaire doit nous faire réaliser l’importance de redonner à tous ces travailleurs et travailleuses de terrain une place dans les prises de décision, et l’importance de faire entendre les intérêts des personnes bénéficiant de ces services publics et de l’action sociale. Il s’agirait à mes yeux de réapprendre à être responsables collectivement, en vue de réhabiliter les principes de la démocratie réelle, au-delà de la dénonciation de tel ou tel gouvernant. En somme, compenser la domination des intérêts privés de quelques-uns en faisant entendre et respecter les intérêts de toutes et tous. Je pense que là-dessus on peut être tous et toutes d’accord, à moins de considérer qu’il y a des hiérarchies naturelles ou divines – et là c’est un tout autre débat. Mais alors, pour faire reculer l’injustice et l’inégalité, comment on fait concrètement ? C’est sur cette question de la méthode qu’il peut y avoir des désaccords.

Il y a une première approche, assez classique, qui consiste à viser la transformation globale, à construire un vaste mouvement social pour s’attaquer frontalement aux structures de pouvoir. Ainsi, dans mon parcours j’ai souvent milité avec des collègues et des camarades avec lesquels nous considérions qu’il fallait rendre les travailleuses et travailleurs sociaux plus combatifs, nous déplorions la « dépolitisation » de notre secteur professionnel, la baisse de la « conscience politique ». Pour beaucoup d’entre nous, « repolitiser » le travail social pouvait lui redonner du sens et garantir qu’il soit vraiment émancipateur.

Cette approche porte une véritable injonction à la politisation : « mobilisez-vous ! organisez-vous ! prenez conscience ! », ce qui fait de cette approche de la politisation une approche descendante, une approche par le haut, au cours de laquelle c’est souvent une avant-garde éclairée qui doit apporter, faire descendre la « conscience politique » aux travailleuses et travailleurs. Je ne dénigre pas cette approche classique, qui a assuré de nombreux succès au mouvement ouvrier dans l’histoire, que j’ai moi-même pratiquée en tant que syndicaliste et nuit-deboutiste, et qui est encore en partie pertinente.

En partie seulement car, tout d’abord, c’est une approche forgée à une époque où le système économique et politique était très différent et concentrait une grande quantité de travailleurs et travailleuses aux mêmes endroits, et les techniques de propagande et de discipline militante propres à la construction d’un mouvement de masse avaient donc tout leur sens. Cette approche de la politisation par le haut paraît donc en partie inadaptée en raison de la forme de nos établissements et de nos conditions de travail, mais surtout, parce qu’elle ne parle pas à tous les travailleurs et travailleuses du social, qui ont une vision bien différente du militantisme.

C’est la conclusion à laquelle je suis parvenu à la fin d’une longue réflexion autour de la notion de politique et de politisation du travail social publiée sur mon blog, à partir de la lecture de l’article de Maxime Chaffote « Comment repolitiser le travail des éducateurs spécialisés ? », qu’il m’a envoyé il y a quelques jours. En rebondissant sur ses analyses très intéressantes et que je vous conseille d’aller consulter, je me suis rendu compte de l’ambiguïté de cette injonction à la politisation, qui s’appuie sur un concept de « politique » abstrait et confus, dans lequel chacun met sa définition, et qui est toujours confronté au problème du prosélytisme et de la propagande. J’en suis arrivé à penser à une approche alternative du militantisme dans le travail social, plus centrée sur la pratique professionnelle que sur la question plutôt épineuse de la « prise de conscience » politique.

Une des principales raisons pour lesquelles l’appel à la prise de conscience politique, l’approche de la politisation « par le haut » ne marchent pas bien dans le travail social c’est que soit elles ne portent pas de vision du monde claire, pas d’idéologie assumée, et donc tout en appelant un peu paradoxalement les collègues à prendre position politiquement, elles laissent sans réponse la question de savoir qui peut vraiment trancher quel est le bon « positionnement politique », quelle est la bonne « conscience politique » dans le travail social. Soit au contraire elles assument des positionnements politiques, partisans, et s’avèrent donc clivantes et empêchent une partie des collègues de se reconnaître dans leur propagande. Alors, comment échapper à la fois à la neutralité idéologique castratrice et à la propagande partisane aliénante ? Comment déterminer les valeurs qui pourraient fonder une vision du monde adéquate pour un travail social émancipateur ? Et d’abord : qu’est-ce que l’émancipation à laquelle peut contribuer le travail social, au fond, et quel travail social voulons-nous ? Il ne me semble pas possible de trancher ces questions par un appel à la prise de conscience politique sans perdre ou cliver une grande partie de nos collègues.

En effet, la « conscience politique » peut être utile pour évoquer la nécessité de se construire une lecture de l’environnement général dans lequel nous devons travailler. Un certain nombre de collègues arrivent à s’y retrouver, à mettre du sens dans leur activité à partir de cette logique de politisation. Mais la question politique parait également abstraite à beaucoup d’autres collègues car à la fois vide, complexe, et éloignée de leurs pratiques professionnelles concrètes, ce qui la rend aussi difficile à saisir et à utiliser qu’une anguille sous roche : l’impression de dépolitisation de notre secteur provient largement, pour moi, de ce côté abstrait de la notion de « politique », qui, pour beaucoup de collègues, ne fait pas sens. Ils et elles sont à la recherche d’un autre levier d’action militant, plus centré sur leurs pratiques professionnelles. D’où l’approche alternative que j’ai commencé à ébaucher.

Il me semble en effet que la spécificité de nos métiers, avant même de spéculer sur leurs implications politico-morales générales, c’est que notre principal levier d’action en tant que professionnel.le.s du social, c’est notre pratique concrète, notre façon de travailler à nous individuellement et à nos collègues de notre service. C’est à travers nos capacités professionnelles à la transformation locale, individuelle, que l’on contribue à la transformation globale, collective. Il me semble donc plus facile de partir de nos situations concrètes et de nos pratiques, pour envisager les questions abstraites de sens général et de conscience politique, que l’inverse. Le sens de notre travail social ne peut pas venir uniquement d’« en-haut » tel une vérité cachée dont il faudrait prendre conscience : nous avons nous-mêmes, travailleurs et travailleuses de terrain, la possibilité de construire du sens à notre activité par « en bas », par nos pratiques matérielles, concrètes.

Ainsi, si l’injonction à la politisation par en haut peut nous diviser, en revanche, nous partageons quasiment tous et toutes un engagement concret aux côtés de personnes susceptibles d’avoir besoin de notre travail. C’est sur cet engagement professionnel que j’entrevois la possibilité de fonder un engagement militant. Pour cela, il s’agit de reconnaître et d’assumer la dimension critique et « radicale » de ces engagements professionnels, au sens de Karl Marx[3], c’est-à-dire l’idée qu’ils interviennent sur les choses à leur « racine », sachant que la racine pour l’humain c’est l’humain lui-même.

La dimension critique de nos engagements professionnels se voit dans l’idée, que nous avons tous et toutes, que nous ne sommes pas uniquement et docilement au service des groupes dominants qui contrôlent les appareils d’État et encadrent le travail social. Certes, les métiers du travail social sont avant tout des emplois, contraints, subordonnés, mais nous autres qui les exerçons, nous voyons bien qu’en pratique, sur le terrain, il s’agit de plus que ça. Nous faisons plus que ce qu’on nous dit de faire, sinon les choses n’avanceraient pas, c’est en cela qu’il y a engagement professionnel. Nous voulons être solidaires des gens et cela peut nécessiter d’aller à l’encontre des institutions et politiques de solidarité.

Et là est la dimension radicale de nos engagements professionnels, au sens de Marx, car ceux-ci impliquent que notre activité devrait avant tout contribuer à l’amélioration de la vie des gens qui font appel à cette activité. Malgré l’encadrement des appareils étatiques et des politiques sociales, malgré les discours politiciens et les directives hiérarchiques, le plus important pour nous n’est-il pas de servir, en dernière analyse, les intérêts des gens aux côtés desquels nous travaillons ?

L’approche alternative que je propose pour compléter la politisation par le haut est donc une forme d’éthique critique et radicale qui permet d’envisager nos engagements professionnels comme des engagements militants, à certaines conditions. En effet il faut bien être clair sur le fait que nos métiers sont toujours encadrés et contraints, comme tous les métiers, et ce n’est pas tout de défendre ces métiers en eux-mêmes, au risque de tomber dans le professionnalisme ou le corporatisme : il faut veiller à défendre avant tout nos capacités concrètes à contribuer aux processus d’émancipation des gens, qui vont parfois à l’encontre de nos obligations professionnelles.

Ces engagements militants possibles impliquent donc une prise de position mais aucun prosélytisme, aucune propagande, car ils s’appuient sur la simple proposition selon laquelle notre travail devrait consister à ce que les gens aux côtés desquels nous travaillons définissent eux-mêmes les conditions de leur émancipation en tant qu’individus et en tant que membres d’un ensemble social, et expriment eux-mêmes, à leur manière et sous quelle que forme que ce soit, de quelle façon nous pouvons leur être utiles. La seule vision du monde promue par ce militantisme est une éthique de la démocratie réelle.

Ces engagements militants commencent avec l’exigence de garder continuellement en tête la question : dans l’intérêt de qui suis-je en train d’agir ? À travers la conduite que je vais adopter, suis-je bien au service des gens ou uniquement au service des appareils d’État ou de la croissance économique ? Si je me conforme à telle obligation professionnelle, vais-je vraiment agir dans l’intérêt du public, ou seulement dans le mien, en m’évitant des problèmes avec les chefs ?

Cet engagement professionnel et militant, cette éthique critique et radicale de la démocratie réelle, implique donc que la base de notre activité est de permettre aux gens de réfléchir à ce qu’ils auraient besoin d’améliorer dans leur vie, et donc d’exprimer, sous quelle que forme que ce soit, les intérêts propres qu’ils auraient à faire appel à nous. Cette prise de position ne peut donc être réellement démocratique qu’en préservant dans nos activités les marges de manœuvre nécessaires pour faire émerger les expressions individuelles et collectives des gens qui font appel à nous pour améliorer leur vie.

Cette éthique critique et radicale implique au final qu’on ne peut assimiler à une démocratie réelle un système qui bafoue la parole, les revendications, les besoins matériels, et donc la vie, d’une partie de la population, et de travailleurs et travailleuses qui tentent de la soutenir. En tant que travailleuses et travailleurs sociaux, nous pouvons lutter contre ce système, dans ce qu’il a d’anti-démocratique et d’inégalitaire, soit en attaquant frontalement ses structures de pouvoir, par en haut, soit en suivant dans notre travail une éthique critique et radicale, en militant avec et pour les gens.

Conclusion

Pour résumer, le travail social est un secteur professionnel, institutionnalisé et encadré par les appareils d’État et les politiques publiques qu’ils portent – et donc, indirectement, par les groupes sociaux qui ont le pouvoir d’en influencer le fonctionnement. Il est important d’avoir une lecture de cet environnement, une « conscience politique » de ce cadre professionnel. Mais cela ne fait pas tout, car toute forme de « conscience » et d’engagement dépend en grande partie de la pratique professionnelle concrète. Donc à moins de s’extraire du cadre professionnel, il me semble que notre  pratique professionnelle concrète reste notre principal levier d’action militante en tant que travailleur ou travailleuse sociale. J’ai le sentiment qu’on pourrait donc compléter l’approche classique de la politisation et de la prise de conscience par le haut, par une approche alternative mettant en valeur ce mode d’action militante que peuvent être les pratiques professionnelles concrètes.

Viser la transformation globale et collective n’a qu’un impact incertain et donc indirect sur la vie des individus concrets, et inversement, viser la transformation locale et individuelle n’a qu’un impact limité et indirect sur la vie sociale globale et collective. Les deux approches sont importantes et complémentaires : progrès social individuel et progrès social collectif sont liés. Il faut simplement tenir compte à mon avis d’au moins trois conditions pour faire de la pratique professionnelle concrète un mode d’action militante. La condition première, c’est que ces pratiques doivent amener les gens aux côtés desquels nous travaillons à réaliser et à exprimer l’intérêt qu’ils pourraient avoir, individuellement et collectivement, à faire appel à des travailleuses et travailleurs sociaux. La seconde condition est que nous ne pouvons accepter d’être de simples exécutants et devons défendre dans nos structures les moyens et les espaces de cette expression, qui se fondent donc avant tout sur nos propres capacités et marges d’autonomie. La condition ultime, c’est que les pratiques professionnelles doivent, au final, malgré les contraintes et aléas, contribuer à améliorer la vie des gens qui, d’une façon ou d’une autre, ont exprimé le besoin de travailleuses et travailleurs sociaux.

Ce que je propose donc de tenir à travers cette éthique critique et radicale, à travers ces engagements militants et professionnels, c’est l’idée que notre travail se base sur l’autonomie du public dans l’expression de ses intérêts individuels et collectifs, que nous voudrions servir avant tout ces intérêts, et que cela dépend donc très largement de notre propre autonomie dans nos activités. Les intérêts des professionnel.le.s et du public me semblent donc intimement liés : l’autonomie individuelle et collective des uns et des autres dans leurs expressions et leurs pratiques vont de pair. Le sentiment de « dépolitisation » qui traverse notre secteur n’est pas un problème insurmontable, car un autre militantisme est possible, centré sur les pratiques professionnelles qui prennent concrètement l’autonomie de tous et toutes comme fin et comme moyen, et animé en cela par une éthique de la démocratie réelle.

Pour aller plus loin :

Un certain nombre d’entre vous vont probablement se dire qu’ils ne se sentent pas beaucoup plus avancés lorsqu’on leur propose de dépasser les concepts de « politisation » et d’« engagement politique » par celui d’« éthique de la démocratie réelle », et beaucoup vont se demander : que faire ? Comment démocratiser réellement ? C’est une question que je me pose beaucoup en ce moment, la question de la démocratisation réelle est une recherche en cours, et je devrais prochainement publier des textes et podcasts présentant mes premiers résultats, mais autant vous donner quelques indices.

Les cahiers de doléance, « manifestes du travail social » et autres plateformes de revendications destinés aux pouvoirs publics, cela a déjà été fait je ne sais combien de fois, avec pour objectif de défendre différentes interprétations de notre travail. Cela peut avoir un impact à différents niveaux, mais désormais il importe non seulement d’interpréter notre travail mais aussi de le transformer en pratique, et cela personne d’autre ne le fera que nous-mêmes.

Ainsi, quelque chose qui m’intéresserait beaucoup serait qu’avec des motivé.es on lance des rassemblements ou collectifs militants et conviviaux, avec pour objectif entre autres de rédiger non pas des manifestes ou des cahiers de doléance, mais plutôt le contraire : un répertoire de toutes les pratiques professionnelles militantes, contribuant à la démocratisation réelle, pour mutualiser les bonnes idées, et renforcer les luttes collectives entre collègues, militants, alliés, personnes accompagnées… Pourquoi pas un « guide des bonnes pratiques de démocratisation réelle dans le Social » ? En Angleterre, ils ont déjà depuis quelques années une revue intitulée Critical and Radical Social Work, qui parle des rapports entre travail social et marxisme, féminisme, écologisme, anti-racisme, néolibéralisme, etc. : alors c’est vrai que pour le coup c’est très politisé, mais justement, pourquoi pas lancer la nôtre, de revue ? Une revue non journalistique ou universitaire, mais une revue militante dans laquelle on présenterait nous-mêmes des pratiques radicales, critiques, réellement démocratiques… ?

Je vous laisse méditer à ces petites idées et vous invite à rester attentifs aux travaux que je diffuserai, car il va de soi que ma proposition d’une éthique de la démocratisation réelle ne fonctionnera d’aucune manière si elle n’est pas elle-même alimentée par des pratiques de démocratie réelle, à savoir, par des retours de toute personne intéressée. Portez-vous bien, et à bientôt !

Notes de bas de page :

[1] Samuel Hayat, 23 mars 2020, « La démocratie à l’épreuve du coronavirus », en ligne.

[2] Étienne De La Boétie, 2010 [1549], De la servitude volontaire, Éditions Le Passager Clandestin, Le Pré Saint-Gervais, suivi et précédé d’entretiens avec Miguel Benasayag et Cornélius Castoriadis

[3] Karl Marx, « Pour une critique de la philosophie du droit de Hegel », 1982 [1844], in Œuvres. III. Philosophie, Paris, Editions Gallimard, Coll. « Bibliothèque de la Pléiade », édition présentée et commentée par Maximilien Rubel, p.382-397.

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